mercredi 21 avril 2010

Philippe Risoli est en fait le chef des franc-maçons


Deux filles en maillot de bain sont assises contre un mur, l'air maussade. Leurs gestes sont mécaniques et à chacun de leurs mouvements se produit un grincement sonore.


*la fille de droit souffle dans une trompette*

-Je ne peux même pas faire ça.

-Mais qu'est-ce qu'on peut faire alors?

-On ne peut rien faire.

*un bâtiment s'effondre (la Guerre?)*

*la fille de gauche met une couronne*

-Qu’est ce que tu fais ?

-Je deviens une vierge. Je ressemble à une vierge pas vrai ? Je suis une vierge !

-Je vois.

-Tu peux comprendre ça ?

-Personne ne comprend rien.

-Personne ne nous comprend.

-Tout va mal dans ce monde.

-Que veux-tu dire par « tout » ?

-Eh ben, tout.

-Dans ce monde…

*à partir de là, euphorie progressive*

-Tu sais quoi ? Si tout va mal…

-…alors…

-…nous allons…

-…mal…

-…nous…

-…aussi !

-c’est vrai !

-Do you mind ? *

-No I don’t !

Et le film de commencer…

* je déteste traduire “mind”, jetez-moi des pierres si vous voulez.

Déjà entendu parler de la « nouvelle vague tchèque » ? Moi pas en tout cas, mais le dernier film que j’ai vu s’appelle Sedmikrásky (en français, les Petites Marguerites), date de 1966 et a été réalisé par Věra Chytilová. Il raconte l’histoire de deux filles (deux sœurs peut-être ? elles passent leur temps à mentir ces garces, et on y comprend rien), dont les patronymes sont visiblement variables et qui, après la déprimante entrée en matière à la Beckett que j’ai retranscrite plus haut, décident d’assumer leur nature « mauvaise » et de ne plus rien minder (le dialogue do you mind/no I don’t revient au moins une dizaine de fois). Elles plongent aussitôt dans un monde coloré, se mettent à gambader, consomment le fruit défendu et à partir de là ça devient un petit peu n’importe quoi. Leur devise ? « On devrait toujours tout essayer. » Le film aligne alors les séquences absurdes où les deux comparses font tout et n’importe quoi en sautillant et gloussant comme des gamines. Leurs activités favorites ? Manipuler les hommes sous de faux noms, pour leur faire prendre des trains et disparaitre au dernier moment (oui…), les rendre amoureux (« pourquoi faut-il toujours qu’ils disent « je t’aime » ? Ils ne pourraient pas plutôt dire « œuf » ? -Tiens donne m’en un pour la peine. »), ou encore bouffer le premier truc venu (y compris une image de steak dans un magazine…) avec des yeux exaltés. Personne ne les comprend, et surtout pas le pauvre spectateur qui subit cette révolution hystérique sans aucun ménagement. Entre la réalisatrice et les deux actrices c’est un véritable complot : comme si les dialogues barrés au possible ne suffisaient pas, le montage inhumain enchaine les ellipses et les collages incohérents, et quant à la progression dramatique, l’essentiel du film en est tout simplement dépourvu. Ajoutons à ça de délicieux effets spéciaux vintage (filtres colorés de bâtard toutes les cinq minutes, notamment) qui font de l’œuvre une sucrerie aussi plaisante que cramée qui n’a pu que convaincre votre serviteur. Comme pour beaucoup de films qui me plaisent, l’aspect daté permet de donner l’impression d’une vraie création personnelle, bricolée comme on a pu, et libre de toute la lisseur impliquée par les nouvelles technologies. Non sérieusement, je trouve qu’avec l’irruption de l’informatique dans les procédés artistiques, il est de plus en plus dur de produire quelque chose de vraiment personnel et qui en donne l’impression. Il faudrait se méfier du recours à la technologie : je pense qu’elle n’est jamais un palliatif ou un moyen détourné de faire la même chose plus facilement, ce qu’elle produit est forcément différent ; on ne fait jamais la même chose avec et sans la technique moderne. La musique connait le même problème, avec l’invasion de tous les groupes formatés au même son qui ne parviennent pas à développer de personnalité, et inversement, les mecs pas trop cons qui ont compris la particularité des nouveaux instruments de musique et qui s’en servent en ayant conscience que le résultat n’aura rien à voir avec ce qui peut se faire sans : Autechre par exemple, qui assume tout à fait l’aspect inhumain de ses outils et en fait son propos. Tout ça pour dire qu’un film qui date d’avant la démocratisation des lourds moyens techniques a des caractéristiques qui ne seront jamais reproduites par d’autres procédés et que c’est bien dommage qu’aucun réalisateur n’en aie conscience (en musique on trouve au moins des défenseurs de l’analogique). Voilà, fin de l’aparté et toutes mes excuses.

Je disais que Sedmikrásky m’avait plu. C’est un film qui poursuit un bon nombre des fantasmes des avant-gardes du XXème siècle, et en particulier l’élan libertaire de la poésie vécue. On a bien compris que ce qu’entreprennent ces deux jeunes filles, c’est l’adéquation avec le flux constant de leur conscience et l’exaltation du réel par l’abandon du surmoi et des conditionnements sociaux. D’où l’hostilité incompréhensive de ceux qui sont restés en arrière (les serveurs qui les chassent manu militari du cabaret). C’est la réaction par excellence au constat d’absurdité qu’on fait les pionniers de l’art contemporain (et que font nos héroïnes pendant la première scène), et son seul remède : tenter à tout prix de donner un sens au monde par la poésie. La scène de la femme qui sort des toilettes (« c’est un ange, et elle ne vole pas…) est tout à fait surréaliste, voire bretonnienne. On espère saisir quelque chose en repartant de zéro. Classique, classique, mais des fois faut pas être trop rabat joie. D’autant plus que la fin que je ne dévoilerai pas fait preuve d’une lucidité remarquable quand on sait quel sort connaitront dans la réalité les tentatives analogues à celles de nos demoiselles (on est en 66 quand même, l’époque où on pensait de l’autre côté de l’Atlantique que l’humanité allait faire un grand pas en avant en se défonçant aux acides). Plutôt que défaitiste, on qualifiera Věra Chytilová de prudente. Parce qu’on ne saurait non plus nier la puissance subversive de son film. J’ignore absolument comment les cadres du Parti ont accueilli cette œuvre en forme de lance-pierre (d’ailleurs, à qui était destiné ce grand banquet si gaiement saccagé à la fin, pour voir?), mais il y a du y avoir quelques étincelles, même si la tendance tchèque était à l’émancipation (jusqu’aux tragiques évènements qu’on connait). Le résultat de ce tiraillement est malheureusement un certain pessimisme : accepter d’être ce que le monde a fait de nous et nous y laisser porter c’est se noyer, et on ne redeviendra pas « bons » si facilement… Que faire du coup ? Je crains que la question ne soit encore ouverte.

Sedmikrásky est au final un film enthousiasmant, féminin et frondeur, débordant de créativité et d’expérimentations, qui n’oublie pas de montrer qu’il connait les implications du lièvre qu’il a soulevé. Un bon flim, pour sûr.

Entre ça et Wojciech Has que j’ai aussi découvert il y a peu, les pays de l’Est roxxent en fait, je savais pas moi.

mardi 13 avril 2010

Je vais tuer l'enfant qui est en moi




Devenir adulte, cela passe souvent par la déchirure. Le changement de la biotope enfantine. Cela correspond aussi à la découverte d'un monde impitoyable, de la prise de conscience qu'en réalité nous demeurons à jamais seuls. Le lien se rompt en partie. Nous désirons partir, parce que nous comprenons que cela est nécessaire. Et nous sommes là, à murir douloureusement, à découvrir que l'on peut pleurer notre passé. Mais pour peu de temps, car comme l'écrit Valéry " le vent se lève ! il faut tenter de vivre !"

La métamorphose au fil des ans; au fil du temps. Elle n’est effective qu’à travers le déplacement soudain dans l’espace et entre les cours. Ainsi, il me semble devoir dire au revoir aux lieux qui furent les miens durant ma jeunesse, et partir vers d’autres cieux, d’autres horizons. C'est l'heure souvent des choix.


Ulysse moderne s'en va guerroyer à Troie....


Mais comment concevoir ce devenir ?

En réalité, n’amenons-nous pas nos soucis et nos faiblesses avec nous ? Sont-ce seulement des habits, des livres et des photos dans nos bagages, et non pas le poids de l'important passé ? A cela, le philosophe répondrait : problème de contingence et de nécessaire. Suis-je depuis toujours déterminé ? Ou sont-ce mes choix multiples et incessants qui font de moi ce que je suis ? A 18 ans, la réponse à cette question paraît être capitale. C’est pourquoi, cher lecteur, un petit instant de réflexion s’impose ; je t'invite à penser tel un jeune homme qui retournerait vers des champs encore familiers, mais laissés consciemment à l’écart. Je parle bien sûr de l’enfance, pour ce qu’elle a de constitutif dans l’existence de chacun.

A un an, il ne savait ni parler, ni marcher sur ses deux jambes. Conscience en construction, être en devenir. Le monde est pour lui un bariolage ; son étonnement n’a aucune limite, et tout lui semble être un jeu.

Puis à six ans, il savait lire avant les autres. Aussi ressent-il pour la première fois un sentiment inavoué : la vanité. A dix ans enfin, abruti déjà par des années de télévision, formé par ses préjugés, dirigé par son ego, incarnation de Narcisse en personne, et que sais-je encore, il accumule défauts sur faiblesses...

Je le vois, m’offrant son coco (1) et sa gentillesse déguisée. C’est un pantin malvoyant, une lunette désarticulée, un pervers polymorphe qui s’ignore, marqué encore par ses pulsions

Étais-je Lui ? Ce monstre ? Celui qui criait, pleurait, trépignait du poing pour une simple glace ? Qui se croyait Dieu l’enfant ?


Tout être ayant atteint de l’âge de raison supporte mal qu’on lui rappelle ses frasques et autres caprices de jeunesse.

Et de fait, nous renions celui que nous fûmes il y a encore peu, afin de nous tourner vers un avenir promis. L’adulte auquel j’aspire ne peut cohabiter avec ce voisin turbulent. Peut-être en va-t-il même avec mon intégrité sociale et psychologique, qui quotidiennement est déjà mise en péril ! Alors, que faire ?

Je crois devoir déclarer la guerre à mon propre passé. L’enfant que je fus est désormais un fardeau trop lourd à porter. Il est le symbole de la destruction, de l’égoïsme. Il incarne des valeurs néfastes à mes yeux. En outre, je le sens encore en moi, telle une épine qui continue à déverser son fiel dans l’organisme. Il ne demande qu’à réapparaître, en réalité !

Je dois donc lutter. O lecteur tout puissant, ne sois pas trop prompt à punir ce plan scandaleux ! Ce projet odieux, assassin, que même Raskolnikov n’aurait osé fomenter ! Celui qui consiste à tuer l’enfant qui demeure en moi.

Paradoxalement, quelque chose sonne faux dans mon raisonnement. En effet, il me semble revoir le passé à travers le semblant de mauvaise foi qui m’est propre. Et nul être humain ne saurait être objectif lorsqu’il visualise ses souvenirs. Revenons donc à une base solide et rationnelle, qui rejette si possible l’influence du Moi présent.

Une certitude : mon regard d’enfant fut modifié. Jamais plus je ne verrai, et jugerai de la même façon qu’à mes dix ans. Si les années d'adolescence sont souvent synonymes de bêtise, il faut croire qu'on en ressort un peu plus mature. Et je crois pouvoir affirmer en toute honnêteté que cette époque demeure à jamais passé.

Mais que gagne-t-on à devenir adulte ? L’insouciance juvénile fait place à plus de gravité. Un émerveillement permanent doit disparaître, au profit d’un lent désenchantement. Au fond,il y a une perte tragique car inévitable : la naïveté qui fut la nôtre est chassée. Nous ne tuons pas l’enfant, mais l’éloignons progressivement.

Je me sens douter. Ma main, mon courroux ne sont plus aussi fermes qu’il y a cinq minutes. Comment avais-je pu l’oublier ? L’enfance, c’est cette capacité merveilleuse à s’émouvoir des choses, c’est ce lien presque magique, immédiat avec le réel. D’un morceau de bois, il en tire la plus formidable des épées. Considéré sous cet aspect-là, l’enfant est bien plus créateur que l’adulte et son regard appauvri par l’habitude.

Il se pourrait que l’enfant soit artiste par essence, dans sa perception du monde.

Finalement, il me faut garder et protéger l’enfant que je reste, si j’aspire à aimer le monde de manière renouvelée. Car si l’attrait de la découverte venait à disparaitre, que sera ma vie ? Comme desséchée, morne et triste.

Aussi n'est-ce pas un hasard si l'enfant, chez Nietzsche (2), symbolise la troisième forme, celle que le Lion doit s'efforcer d'atteindre à force de renoncement et d'innocence. C'est également celui qui comprend l'Amor Fati (3), soit celui qui, selon Nietzsche, a une relation au monde faite d'amour, d'acceptation joyeuse.

D’autre part, face aux injustices, à la cruauté existante, face au pire, il s’agit aussi d’être prêt.

Garder sa part d’enfance ne signifie pas redevenir enfant. Il s’agit d’apporter une réponse digne d'un "gai savoir", pour citer encore Nietzsche; bien que consciente des maux du monde. En ce sens, je continue à m’indigner de certains agissements, tout en ne demeurant pas impuissant. Mais aussi toute dimension utopique est, je le pense, écartée. C’est parce que je constate l’imminence de la mort en chacun, par exemple, que je choisis en retour d’être gai, rieur et inventeur plutôt que défaitiste. Ma part d’enfant s’émerveille alors du monde parce qu’elle comprend la chance qui est la sienne de pouvoir le faire.

Peut-être est-il bénéfique de garder nos souvenirs de jeunesse, tels des trésors, pour qu’ils nous poussent vers quelque devenir. Et pour être créateurs de nos propres valeurs, il nous faut être des adultes au final restés enfants, et qui possèdent cet amour, cet enthousiasme face aux épreuves futures.

Devenir adulte, c'est entrer dans l'âge où la réalisation de nos rêves d'enfant devient une question éminente. D'où cette tentative vaine en partie, mais si belle !


L'artiste rit de la vie
Tel un enfant joyeux !
Il y a dans ses yeux
Quelque sublime envie

Embrasser tout entier l’univers éclatant











(1) coco : appellation vulgaire désignant cette chose infâme, toute en caoutchouc, que je mâchouillais avec délectation jadis. Synonyme de tétine, sucette, ou je ne sais quel surnom avilissant…

(2) Ainsi Parlait Zarathoustra

(3) Le Gai Savoir

lundi 12 avril 2010

Puisqu'on parle de culture...


En l'an de grâce 1978, Gang of Four sur son album Entertainment!, proposa ces quelques mots :

At home he feels like a tourist

At home he feels like a tourist
He fills his head with culture
He gives himself an ulcer
He fills his head with culture
He gives himself an ulcer

Down on the disco floor
They make their profit
From the things they sell
To help you cover
all the rubbers you hide
In your top left pocket

At home she's looking for interest
At home she's looking for interest
She said she was ambitious
So she accepts the process
She said she was ambitious
So she accepts the process

Down on the disco floor
They make their profit
From the things they sell
To help you cob off
And the rubbers you hide
In your top left pocket

Two steps forward
(Six steps back)
(Six steps back)
(Six steps back)
(Six steps back)
Small step for him
(Big jump for me)
(Big jump for me)
(Big jump for me)
(Big jump for me)

At home she feels like a tourist
At home she feels like a tourist
She fills her head with culture
She gives herself an ulcer
Why make yourself so anxious
You give yourself an ulcer

Je suis triste, je voulais mettre le morceau d'époque en écoute mais youtube ne fournit pas ça (ya juste le remake moisi de 2005). D'un côté c'est peut-être pas plus mal : ça m'aurait fait mal au cœur je crois. Vous échapperez donc au son en cisaille de 78 et à la belle pochette rouge avec sa poignée de main désespérante (référence à Vaneigem ou constat identique? va savoir...).
A l'époque ils appelaient ça Entertainment! (le point d'exclamation change tout). Leur musique, bien qu'on ait tout fait pour ne pas s'en rendre compte, était une arme de guerre. Quand on intitule son œuvre "divertissement!" (exclamation outrée, cynisme ou parodie?), c'est qu'on a quand même une certaine rancœur vis à vis de sa condition d'artiste. Oui, en 78, il y avait de la rancœur dans l'air. On ne savait pas trop si on faisait la révolution ou des produits consommables, ni même si tout cela ne revenait pas un peu au même (la bande des quatre, au passage, est un groupuscule de la Chine révolutionnaire, et quant au rouge de l'artwork, on a rarement fait plus éloquent). Tous en cœur, Devo, Public Image Ltd. et autres Wire se posent la question avec perplexité. C'est aussi cette année là qu'en Angleterre, quelques agités proclament le fameux "punk is dead", et aussi qu'ils croient en l'"anarchy in the UK" (mais pour de vrai cette fois). Alors Gang of Four arrive. Son message est clair : le punk, la new-wave et la cold-wave ne sont que rien d'autre que du divertissement pour le peuple, et peut-être même lâchaient-ils entre eux le mot de spectacle. Pour mettre les choses au clair, rien de tel que la radicalisation : la plèbe aime les rythmes dansants et énergiques? les revendications vindicatives? les instrumentations mécaniques et déshumanisées? On va lui en donner. Pas question de mentir, pour être surs de foutre la zone, on met tout au premier degré : "entertainment" titré en gros sur la pochette (on sait ce qu'on achète du coup), et un tube imparable sur chaque piste. Un carton. C'est le rôle qu'on veut donner aux artistes, autant aller jusqu'au bout. Pourtant, le premier degré ça fait mal aussi. Quand on prend la peine de décrire la société de consommation dans son plus simple appareil, c'est certes naïf, mais ça fait aussi quelques dégâts :
The problem of leisure
What to do for pleasure
Ideal love a new purchase
A market of the senses
Dream of the perfect life
Economic circumstances
The body is good business
Sell out, maintain the interest
Remember Lot's wife
Renounce all sin and vice
Dream of the perfect life
This heaven gives me migraine
(tout ça sur Natural's not in it)
Les ignorants n'ont pas manqué, comme à leur habitude, de ne rien comprendre à ce qui se passait. Les attardés de U2 et Red Hot Chili Pepper se sont empressés de clamer à qui voulait l'entendre le génie d'Allen et Gill qui les rendait pourtant obsolètes. C'est le triste sort qu'ont connu tous les détournateurs : on les prend au sérieux et ils deviennent les apôtres de ce qu'ils méprisaient. Du manifeste acide que constituait l'œuvre de Gang of Four, on n'a gardé que la forme : des rythmiques qui, tirées de leur contexte, ouvraient le bal pour des pléthores de groupes sans saveur (et les années 2000 n'ont pas été en reste dans ce grand plagiat). On a bien réussi à faire danser les quidams sur du Joy Div, alors pensez donc... Ce qui reste vrai, c'est qu'il y a une ambiguïté : le groupe prenait-il du plaisir à jouer cet entertainment? Aimait-il sa musique? Je n'arrive pas à le savoir vraiment tant l'illusion est parfaite... L'énergie qui se dégage de cette musique est-elle une moquerie ou une réelle jouissance? On posera la même question à Ionesco et à Debord : ne se livraient-ils pas à la déformation des arts qu'ils détestaient avec un certain plaisir coupable? N'entrevoyaient-ils pas une forme de libération par ce biais? Je pose la question. Reste aussi qu'on ne pourra jamais s'empêcher de remuer son corps au son de cette musique au groove imparable, toute caustique qu'elle est. Après tout, ne désespérons pas des rythmiques énergiques : elles peuvent faire un excellent accompagnement au lancer de pavé.

PS : on peut visiblement écouter ça sur deezer, et les plus malhonnêtes d'entre vous (bouh) pourront jeter leur dévolu sur les divers liens qui grouillent ici bas comme du menu fretin. Amusez-vous bien, c'est fait pour.
PPS : c'est pas ma faute si j'ai écrit cet article faisandé, la société m'y a forcé et mon père boit.

"La Dolce Vita" de Fellini, ou Splendeurs et Décadence dans la ville de Rome...







Le premier article de ce blog parle d'un chef d'œuvre du cinéma, certes reconnu et incontesté, mais qu'il sera toujours bon de redécouvrir pour chaque nouveau cinéphile. En effet, Fellini pousse peut-être l'art cinématographique vers ses derniers retranchements, flirtant avec un idéal : celui de l'image pure, tenant pour ainsi dire seule, porteuse de sens jusqu'à l'infini. Et dans la Dolce Vita, l'image parle de tout, ou presque : l'ambition du personnage principal, le refuge dans la futilité et le luxe, comme réponse à la mort; la débauche et la décadence d'une classe sociale, l'aristocratie romaine. Des thèmes très Pascaliens au final, qui se font l'écho d'une psyché en proie à des fantasmes : celle de Fellini lui-même.

La dolce vita est sorti en 1960, puis s'est vu récompensé d'une Palme d'or à Cannes, entraînant de fait une polémique vive, puisque le propos est jugé scandaleux. Jugez du peu ! ( tout en gardant à l'esprit le changement des mœurs depuis ) Nous assistons aux frasques sentimentales d'un journaliste nommé Marcello, que nous qualifierions aujourd'hui de people, et qui est joué par le divin Marcello Mastroianni. Celui-ci, volage et séducteur, aspire d'autre part à quitter le monde des paparazzi ( à noter que ce terme provient de ce film) pour celui de l'intelligentsia Italienne. Quant à l'arrière-plan, il se compose d'une aristocratie qui s'accoquine gentillement, en témoigne la séance d'effeuillage d'une récente divorcée, scène jugée trés osée en son temps.

Mais, me direz-vous, qu'est-ce qui fait le charme, l'intérêt profond de ce film ? Pour ma part, je répondrais qu'il se regarde à plusieurs échelles. Tout d'abord, nous assistons à la description sociale, celle de l'Italie d'après-guerre, ainsi que celle du pouvoir naissant des médias. C'est tout un contexte qui est évoqué par ce film, tel que l'angoisse du fin proche de l'humanité, ressentie par l'un des amis de Marcello, mais surtout l'essor cinématographique de Rome, deuxième ville du cinéma mondial aprés Hollywood en raison des studios de la Cinecitta. La Via Veneto, lieu de rencontres des stars mondiales avec le ghota de Rome, est dés lors le cœur de ce film. Enfin, ce sont bien sur les grands symboles de Rome qui apparaissent : la Fontaine de Trévi, cadre d'une des plus célèbres scènes de l'histoire du cinéma; mais également les marques nationales comme les scooters Vespa, les voitures Fiat. Au final, Fellini questionne l'identité d'une nation, le rapport entre passé, présent et futur.







Ce thème nous amène vers un autre aspect du film : la dimension onirique propre à toute existence. En effet, le spectateur est convié à un rêve de trois heures sur l'écran, et devient témoin d'évènements qui le dépassent. Cérémonies dans des châteaux, ou encore danses diablesques, qui illustrent l'attrait de l'inconnu, le balancement humain entre la mort et la vie, La Dolce Vita est un film profondément baroque, dans son esthétisme autant que dans ses thèmes ( pour autant que les deux peuvent être séparés, ce dont rien n'est moins sur). La dernière heure devient par conséquent magistrale, en ce qu'elle transfigure la notion de réel en art et la transforme en réceptacle des rêves de Marcello, véritable double du réalisateur Fellini

Ajoutez-y une musique inoubliable de Nino Rota ( si si, tout le monde connaît cet air sans même pouvoir l'identifier précisément !), une élégance folle, et cela donne un film génial.





Inutile de dire que j'ai adoré...



lien pour la musique :

http://www.youtube.com/watch?v=9oHzAQ-lJCM




Titre original : La Dolce Vita

Réalisateur : Federico Fellini

Sujet: Federico Fellini, Tullio Pinelli et Ennio Flaiano

Scénario : Federico Fellini, Tullio Pinelli, Ennio Flaiano, Brunello Rondi, Pier Paolo Pasolini (non crédité)

Musique : Nino Rota

Durée : 172 min

Dates de sortie :
5 février 1960 en Italie
11 mai 1960 en France

Distribution [modifier]

Marcello Mastroianni : Marcello Rubini
Anita Ekberg : Sylvia
Anouk Aimee : Maddalena
Yvonne Furneaux : Emma

Les fous s'adressent aux fous





A quoi bon écrire un blog, aujourd'hui, lorsque tant d'autres pullulent sur la toile ?


Passionnés de culture sous toutes ses formes, que ce soit la littérature, la musique, le cinéma, et cætera... , nous pensons que la parole est une manière de reconsidérer nos vies face aux périls contemporains. Qu'il est important de s'exprimer, et que l'usage de la raison doit s'actualiser par les mots, ou la voix, du mieux que nous puissions. Défendre l'idée selon laquelle l'œuvre d'art doit être profondément sociale, tout en incitant à l'exercice de la pensée chez chaque individu. Croire que l'on peut communiquer nos pensées, nos goûts variés, et si possible tenter de le faire avec passion. Ce sont ces idées qui sont à l'origine de ce blog à plusieurs mains ( de nombreuses qui participeront, je l'espère), émanant à l'origine de plusieurs amis réunis par une soif d'apprendre commune.

Mais kézako, plus précisément ? Nous parlerons d'œuvres, d'artistes, de sujets qui nous traversent l'esprit. C'est pourquoi ce blog se propose d'abord comme le lieu de critiques culturelles, et de réflexion. Mais ce n'est pas tout : les divagations, également, se feront nombreuses, avec un intérêt certain j'ose espérer. Que de créativité, diable ! que ce soient des dialogues, des poésies, des aphorismes, ou que sais-je encore, nous sommes là pour écrire, débattre, nous amuser.

Vale ! Bonne lecture !